
HaYba FINANCE-Un Jeu de Dupes à la BDC Quand les bijoux de famille sont bradés aux moins offrant
La Banque de Développement des Comores a été créée dans le but de
soutenir la croissance du pays via le financement d’activités liées au
développement ( entreprises, productions…). Nous sommes au début des
années 1980. Sa création était considérée comme le projet phare pour
financer le développement du pays. Pour ce faire l’État comorien se
réservant 50% des parts, s’est associé à la Banque Européenne pour les
Investissements ( BEI ) et l’Agence Française pour le Développement (
AFD ). Cette alliance a duré jusqu’en 2006 quand un plan de
restructuration de la banque à été proposé pour la transformer en une
structure à même de s’adapter aux nouvelles réalités de l’économie
mondiale. C’est donc en 2008 que le cabinet spécialisé ACEP
DÉVELOPPEMENT a été choisi pour assurer une assistance technique devant
amener la banque, à l’horizon 2010-2012, à se transformer en banque
commerciale. Le hasard faisant parfois bien les choses, cette période
coïncidait avec le gel des activités de crédit de la BIC dû à ses
déboires judiciaires, principalement avec la société NICOM. Du coup
l’impératif de transformation était plus que nécessaire au vu aussi des
résultats du secteur bancaire qui a vu ses chiffres doubler en deux ans
( 2006- 2008 ) passant à 52 000 000 000 kmf. Bras armé de l’aide
française au développement, l’AFD s’est vue confier la charge de
mettre en application les recommandations faites dans le Document Cadre
de Partenariat ( DCP 2006-2010 ) signé entre les Comores et la France.
Un partenariat qui insistait sur le secteur financier comme
accélérateur de développement. Parmi ces nouvelles orientations, la
microfinance et la mésofinance devenaient des axes prioritaires. Le coup
du financement de ce projet était estimé à 3 000 000 € sous forme de
subvention et une partie en prêt ne dépassant pas 3 % d’intérêt sur
une durée de 10 ans. Marc Athiel l’assistant technique envoyé par ACEP
Développement s’est vu attribuer les fonctions de Directeur Général
Adjoint. Pour faciliter la prise de décision une délégation de signature
en matière de gestion lui a été accordée ( voir, note de communication
Afd : projet d’appui de relance de la BDC ).
En 2014 quand
l’assistance technique a pris, fin le groupe IPAE investissement ( pour
simplifier on utilisera I&P investissement dans la suite de
l’article ) est entré au capital en rachetant les 16,67% de parts
détenues jusque là par la BCC en respect de la loi bancaire 13-003AU 12
juin 2013 qui obligeait cette dernière à rester dans son rôle de
gendarme bancaire. Un simple jeu de chaises musicales à été opéré devant
un parterre d’invités dont le Vice-président d’alors et non moins
grand Argentier Mohamed Ali Soilih. Said Abdillah, Directeur général,
parti après 17 ans de bons et loyaux services, le nouvel » investisseur »
le remplace par Marc Athiel. Ce n’est pas le fruit du hasard si ce
dernier est choisi au poste de Directeur général par I&P
investissement dont le Directeur investissement n’est autre que Pierre
Carpentier, ancien du conseil d’administration d’ACEP Développement, la
société, qui comme nous l’avons vu, a été choisie pour conduire la
transformation de la BDC.
En juillet 2014 à l’issue de l’Assemblée
Générale ordinaire, un nouveau Conseil d’administration a été mis en
place pour une durée de 3 ans. La concomitance des faits dans cette saga
BDC , laisse penser à une machination.
I&P investissement est
une société au capital social de 2 000.000€. Une société qui s’est
spécialisée dans le financement des starts-ups et des petites et
moyennes entreprises. Ses tickets d’investissement varient entre
300.000 à 1 000.000€, guère plus; soit un investissement de 30% du
capital. Son CEO ( chief executive officer – Directeur général ) Jean
Michel Severino est un ancien haut responsable de la coopération (
Directeur du développement 1993-1996 ) ancien de la banque mondiale,
actuel président du Conseil d’Administration ( CA ) d’ACEP GROUP mais
surtout ancien Directeur général de l’Agence Francaise de Développement (
2001- 2010 ) au moment où ACEP a été choisie par l’AFD pour mener
l’assistance technique à la BDC. En 2014 le capital social de la BDC
était de 300.000.000 kmf avant l’entrée d’I&P investissement dans le
capital. L’État détenait 50 % des parts, l’autre moitié était répartie
à égalité entre la BCC, l’AFD, et la BEI soit 16,67 % chacune. A
l’arrivée de I&P investissement une augmentation de capital fût
décidé passant de 300.000.000 à 400.000.000 kmf en conséquence les
parts de l’État tombèrent à 37,5% du capital celles de l’ l’AFD et la
BEI à 12,5% chacune par contre I&P investissement fait monter ses
parts au même niveau que l’État à 37,5 %.
La BCC en application de la loi bancaire 13-003/AU notamment en son article 47 a publié le règlement n°001/2015/BCC/DSBR fixant le capital des institutions bancaires à un minimum de 1 000.000.000 kmf. Notons que cette loi a été soutenue par l’assistance technique du FMI et d’autres institutions financières. Les motifs avancés étaient l’assainissement du système bancaire notamment la privatisation de la BDC. Une lettre d’intention << Mémorandum économique >> envoyée par le gouvernement en mai 2013 à la Directrice générale du FMI Christine Lagarde, en atteste. Suite à cette nouvelle réglementation en 2016 I&P investissement à qui donc l’État a donné main libre a fait une nouvelle augmentation du capital conformément à la nouvelle réglementation de la BCC. Cette augmentation apparaît comme un simple jeu d’écriture. I&P investissement n’a pas eu à mettre la main à la poche ni faire un lever de fonds. Il a tout simplement puisé dans les réserves de la banque. Dans le jargon cela s’appelle incorporation de réserves. On peut se demander pourquoi seule la BDC s’est précipitée pour augmenter le capital alors que d’autres institutions de la place plus solide financièrement ne l’ont pas fait. Le gouvernement a donné son aval a travers le CA. Ce procédé a permis à la banque d’augmenter sa valeur nominale sans modifier la valeur propre de la société. Sans mettre la main à la poche I&P investissement est passé de 1500 actions à 3750. Des témoignages des acteurs que nous avons interrogés, il ressort que la Direction générale avait toute latitude d’agir, bénéficiant de la passivité des membres du conseil d’administration et de l’État. A la fin du mandat du CA le 31 décembre 2016 le nouveau gouvernement a nommé ces 2 représentants au conseil d’administration dont le nouveau président Monsieur Hassan Azali, un financier actuel auditeur à la SNPCF. Il a occupé plusieurs postes de haute responsabilité. I&P investissement constate que le vent tourne, notamment de par le retrait par la BCC de la licence bancaire de Marc Athiel début 2018 I&P. Entamant un processus de désengagement, I&P investissement a sorti de son chapeau le groupe Duval. Un groupe spécialisé dans l’immobilier, mais qui, depuis 2018, s’est lancé dans les investissements en Afrique via sa filiale FINAFRICA. Comme par miracle FINAFRICA est dirigée par Pierre Carpentier, que nous avons vu auparavant comme chargé d’investissement chez I&P qui est devenu Directeur général adjoint du groupe Duval pour l’Afrique. L’État représenté par le nouveau conseil d’administration n’a rien vu venir de ce qui va se passer avec l’opération la plus machiavélique de l’histoire bancaire comorienne. FINAFRICA pour son entrée au capital va acheter en plus des 37,5% de I&P investissement les 12,5 %de l’AFD ( le retrait de l’AFD étant prévu dans le DCP 2013- 2014 ) et exige était actionnaire 2,5 % de l’État pour devenir actionnaire majoritaire avec 52,5 % du capital. Dans la nouvelle configuration FINAFRICA possède 52,5%, l’État 35% et la BEI 12,5%. Une situation peu compréhensible dans la mesure où la BDC est une société d’Économie mixte (SEM ) ce qui exige que les actions soient détenues en majorité, par une ou plusieurs entités publiques. En juillet 2018 Carpentier nomme Gervais Atta Directeur général. Ce dernier était auparavant chargé de communication à la Banque Nationale d’Investissement ( BNI ) Madagascar dont Ilyas Akbaraly probable repreneur de la BDC est actionnaire. Atta a posé quelques actes avec le lancement en 2019 du mobile banking Holo et un partenariat avec Orange money Madagascar pour faciliter les transactions entre les deux pays. Il est accusé aussi d’avoir ivoirisé la banque en coupant les têtes de tous les cadres Comoriens à commencer par le directeur général adjoint. Tout les postes stratégiques sont aux mains de ses compatriotes. Le groupe Duval qui a promis de mobiliser 30.000.000 € pour l’investissement n’a pas encore sorti un centime de sa poche. Qu’est ce qui se cache derrière la récente démission de Mr Atta ? Selon des sources bien informées, des tensions seraient apparues entre le Directeur et son employeur ( FINAFRICA) à propos du Conseil d’administration, mal vu par l’actionnaire, mais soutenu par Atta. Que signifie cette mise sous administration provisoire de la BDC décidée unanimement et sans consultation préalable des actionnaires, par la BCC ? On nous dit que FINAFRICA après maintes pressions est prête à débourser 700.000.000 kmf pour revaloriser la banque. La mise sous administration de la BDC par la BCC pendant 6 mois laisse entendre que l’État a trouvé un ou des partenaires impatients de reprendre la banque. Est-ce que l’État cette fois s’est assuré d’avoir les bonnes informations sur les éventuels partenaires et a les bonnes cartes en mains ? Aurait-il découvert un pot aux roses et s’apprête à mettre fin à l’hémorragie quitte à poser un mauvais garrot ? Des questions qui restent en suspens du moins pour l’instant.