
L’article censuré Le journaliste Toufé, torturé à la gendarmerie
Alors que le pays vit une crise post-électorale particulièrement
préoccupante, la gendarmerie n’a rien trouvé de mieux que de torturer et
séquestrer pendant plusieurs heures un journaliste connu pour sa
déontologie : Toufé Maecha. Il est accusé «d’espionnage».
Le
rédacteur en chef du quotidien Masiwa, Toufé Maecha a été arrêté par la
gendarmerie le 30 mars à Moroni. Il a été relâché au bout de plusieurs
heures après avoir subi, torture, vexations et autres intimidations au
sein de la brigade de recherche.
Le Collectif des journalistes
comoriens a publié un communiqué dans la soirée du samedi. «Nous,
collectif des journalistes, condamnons l’arrestation arbitraire de Toufé
Maecha. Il est dans un premier temps, accusé d’avoir forcé le portail
de la gendarmerie, portail qui, lorsqu’il n’est pas ouvert est surveillé
par un garde à la guérite. (…). On nous informe dans un second temps,
qu’il serait soupçonné d’espionnage ».
Espionnage. Le mot est lâché.
Une accusation qui a cours dans tous les pays autoritaires ou qui ont
amorcé « cette regrettable transition ». Notre pays, clairement, en tout
cas le régime au pouvoir a une tendance accrue de dérives autoritaires.
Mais revenons au président de la section comorienne de l’Union de la
Presse Francophone (UPF).
Tout commence entre 13h00 et 14. Le jeune
reporter décide alors de se rendre à la gendarmerie pour avoir des
informations relatives à un sujet qu’il traitait. Il s’y rend donc, à
l’entrée qui se trouve du côté de la Santé Militaire. Si le portail
principal est condamné, il n’en est pas de même pour le portillon. Il le
pousse donc et entre à l’intérieur de cette administration publique. Il
y trouve un garde auprès duquel, il décline son identité. Celui-ci le
laisse passer, après que le reporter lui donne le motif de sa visite
là-bas.
A partir de là, tout s’enchaîne. Il est pris à partie par un
officier qui lui pose mille et une questions : comment il a fait pour
entrer, ce qu’il cherchait, qui il cherchait, etc. Le rédacteur en chef,
lui explique, vainement qu’il était venu pour y recueillir des
informations. Le ton monte un peu et celui-ci, appelant un soldat,
ordonne qu’il soit mis en cellule. Cellule sombre, nauséabonde, au
parterre sale. Il y a trouvé un groupe de gens, qui étaient crasseux.
Toufé Maecha perd la notion du temps dans ce sombre cachot.
Quelques
temps après, on lui demande de sortir de la cellule. Le prétexte
fallacieux relatif à l’espionnage est de nouveau ressorti par les
officiers qui l’interrogent, qui veulent savoir pour le compte de qui,
il le fait. Notre confrère donne exactement la même réponse. Ces
derniers lui demandent de se mettre à genou et d’enlever sa chemise. Il
s’exécute. Deux soldats sont placés de part et d’autre de lui, l’un muni
d’une espèce de cravache, l’autre d’une matraque. Un troisième homme,
lui triture la barbe et à plusieurs reprises lui pousse la tête, avec
force menaces. La réponse de Toufe est la même, « je suis venu chercher
des infos ».De nouveau, il rentre dans le cachot. Le temps s’égrène
lentement. On lui demande de nouveau de sortir et d’entrer dans le
bureau où il avait subi humiliations et exactions. Cette fois, après la
chemise, on lui demande de se mettre nu. On lui pose les mêmes
questions. Il subit les mêmes humiliations, toujours genoux à terre et
livre encore les mêmes réponses. Un gendarme lui dit alors «nous
viendrons te rendre une petite visite à minuit». La menace est à peine
voilée.
Vers 20h00, Toufé Maecha se rend dans le bureau d’un des
chefs de la gendarmerie. On lui dit alors juste avant qu’il ne quitte le
bâtiment: «si tu t’avises de salir l’image de la gendarmerie, tu auras
affaire à nous».
Toufe a décidé de briser le silence, de dire ce
qu’il a vécu et les sévices subis. Avec cette lancinante question qui
tourne en boucle dans sa tête: «s’ils ont osé s’en prendre de la sorte à
un journaliste connu et reconnu qu’en est-il des citoyens lambda, qui
ne connaissent personne et qui pensent que la torture est normale en
Union des Comores?»
Les rédactions de Masiwa, Al-fajr et La Gazette des Comores